CONSTANTIN T. CRAESCU

Directeur de recherche (CNRS)

Notre collègue Constantin T. Craescu (Gil) est décédé subitement à la mi-septembre. En France comme en Roumanie, sa disparition soudaine a plongé ses nombreux amis dans la consternation. Figure sympathique et populaire de la Société Française de Biophysique (SFB), Gil avait, de 2001 à 2009, assumé les fonctions de Secrétaire auprès de trois présidents successifs. Originaire d’un petit village de la région roumaine de Moldavie, Gil Craescu accomplit ses études supérieures à la Faculté de Physique de Bucarest, où il se spécialisa en Biophysique. En 1973, ses études achevées, Gil a travaillé tout d’abord comme chercheur à l’Institut National de Gériatrie « Ana Aslan » de Bucarest. Mais au bout de quelques années, ne supportant plus le joug du régime alors en place en Roumanie et constatant la carence de moyens décents pour faire de la recherche, il prit le risque de franchir le rideau de fer et vint s’installer en France. Jean Rosa l’accueillit à l’unité INSERM 91 à l’hôpital Henri Mondor de Créteil. Gil se trouva d’emblée confronté à la recherche, alors en plein essor, des relations structure-fonction chez les protéines. Le paradigme était à cette époque l’hémoglobine dont son laboratoire d’accueil possédait un grand nombre de mutants pathologiques. Muni déjà d’une solide expérience en biochimie structurale, Gil rejoignit en 1993 l’équipe de RMN structurale de l’Unité INSERM 350 de „Biophysique Moléculaire” à l’Institut Curie, à Orsay. Au fil des années, il devint le pivot de cette équipe qui réunissait un groupe de RMN et un groupe de biochimie des protéines (surexpression, mutagenèse dirigée). Dans les années 2000, il introduisit aussi la microcalorimétrie, technique puissante et complémentaire de la RMN en solution pour caractériser les interactions. Pour étudier la structure de protéines dont la grande taille proscrivait, a priori, une détermination par la seule RMN, il adopta très tôt la stratégie, devenue courante aujourd’hui, qui consiste à déterminer la structure de domaines exprimés séparément, puis à reconstruire la protéine complète par modélisation. La richesse et la diversité de son „tableau de chasse” ne nous permettent pas de nous attarder davantage ici. Un deuxième aspect remarquable de la personnalité de Gil Craescu est l’attachement qu’il a gardé pour son pays d’origine et l’aide qu’il a constamment prodiguée à ses collègues biophysiciens roumains dont il connaissait bien le dénuement en moyens de travail. Dès 1990, Gil organisait la première École franco-roumaine de Biophysique, en invitant en Roumanie de nombreux chercheurs français. Impliqué personnellement dans la SFB ainsi que dans la vie de la Société Roumaine de Biophysique Pure et Appliquée (il a été Membre d’Honneur de cette société et membre dans Le Comité Scientifique du Romanian Journal of Biophysics), il donna une vive impulsion à la collaboration franco roumaine. Ceux d’entre nous qui ont participé à l’atelier franco-roumain de biophysique organisé à Neptun en 2000 se souviennent encore avec émotion de l’accueil chaleureux qui leur fut fait par une génération montante d’étudiants et de jeunes chercheurs, remarquablement bien formés dans leur discipline, mais que le manque de moyens matériels et de documentation menaçaient de condamner à la frustration permanente. C’est sans doute pourquoi Gil Craescu s’est aussi attaché, année après année, à faire venir auprès de lui des stagiaires, des étudiants et des doctorants roumains. Trop nombreux pour être cités ici, ils lui vouent tous une fidèle reconnaissance. Enfin, tous les collègues qui ont côtoyé Gil au quotidien savent que cet excellent chercheur était aussi un humaniste, un homme de culture, passionné pour les arts plastiques et la littérature. Gil Craescu a été assurément un homme que l’on est heureux d’avoir connu.

Daniel Lavalette
Ancien président de la SFB, Membre d’Honneur de la Société Roumaine de Biophysique Pure et Appliquée.
Aurel Popescu
Ancien président de la Société Roumaine de Biophysique Pure et Appliquée.

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